Coloriste Céleste

L’atelier de recherche et de création Couleur en mots (Ecole des  beaux-arts de Nantes Métropole) 
est proposé par les 2 Pierre, Giquel &  Mabille d'octobre 2009 à janvier 2010 aux étudiants de
M1 et M2. L’atelier reprendra en octobre 2010.

8.12.09

Proposition de lectures couleur par Magali Brazil et Frédéric Lae

Magali Brazil:
Bernard Noël « Les yeux dans la couleur » P.O.L
Antoine Emaz « Fond d’œil » Théodore Balmoral
Ludovic Degroote « Barque bleue » Editions Unes
James Sacré « Cœur et vigne rouge » André Dimanche
Cécile Mainardi « La blondeur » Les petits matins
Gaston Planet «Né dans la neige un jour d'hiver »   Le temps qu’il fait
Dominique Fourcade « Rose-déclic » P.O.L
Charles Juillet « Giacometti »
Françoise Ascal « Rouge Rothko »
Nicolas Pesquès « La face nord de Juliau » (volumes 1 à 7) André Dimanche
Jacques Roubaud « Quelque chose noir » Poésie/Gallimard
Laurence Denima « Joubor xvato4 » Al Dante
Henri Cueco « 120 paysages que je ne peindrai jamais » Seuil/Éd. Pérégrines


Frédéric Lae :
Céline Minar « Bastard Battle » Dissonances
Ramon Dachs « Blanc, Topoèmologie »  éditions Le clou dans le fer
Manuel Daull « Toute une vie bien verticale » entre deux m
Philippe Vasset « Un livre blanc » Fayard

7.12.09

Quand je serais grand je ferai le triste (titre approximatif) Pauline Juvenez

ils étaient là ils se regardaient main dans la main
le ptit le ptiot le petit préféré l'amouraché de son papa
il lui manquait une main
pas triste pas gai
il lui manquait une main

ils se regardent comme ça en coin
un peu gris de peine

il regardait comme ça dans sa manche
dans son manche on savait pas
on savait plus
ce qu'il lui avait pris au petit de laisser traîner sa main au loup
au loup gris au loup pas gros au loup un peu maigre
à l'haleine aigre
celui qui mange les mains des enfants
et des moutons nains
on savait pas où était la main
dans le ventre du loup
sûrement pas
pas au fond du ventre du loup
c'était un loup nain
dedans
y'avait pas la place pour une main

ils se regardent comme ça en coin
un peu gris de peine

quand d'un grand coup
il tire son bras
son petit bras d'enfant
de la gueule du loup
du poil du loup sort du pull.... le bras
au fond de la manche il l'avait caché
le loup pull l'avait mangé
"pull and loop"

il le regarde vraiment en coin
encore du gris de peine

son papa l'amouraché de son fiston
il aurait pu lui manger la main
l'était pu gris de peine
sourire dans son haleine
il cria gueula sa main là
sa main là au bout du pull loup
il gueula le retour de sa main au bout du bras

la fin du tube gris de payne

27.11.09

AU ROYAUME D'ISIDORE - Julie Michel

gras = voix 1
normal = voix 2
gras italique = voix 1 et voix 2



Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore (sérieux-grave)


Il y a quelque chose de pourri au royaume d 'Isidore (articule)
Ce quelque chose de pourri au royaume d'Isidore
C'est comment dire heu... l'odeur de la noix
Non c'est pas vraiment ça...


Il y a quelque chose de pourri au royaume d Isidore (articule, un peu plus fort)
C' est comment dire heu...quelque chose qui sent le cramé, le moisi
ça sent l' renfermé au royaume d'Isidore
C'est pas ça non plus.


Il y a quelque chose de pourri au royaume d' Isidore
(articule, excitation en progression, sourire dans la voix)
Il passe sa vie à chercher d'où ça peut venir
Il passe sa vie à chercher Isidore
Il se déplace se limace son moteur c'est son nez.

Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore (fou, commence à fouiner)
Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore

Et ça l' rend fou, il n' sait pas c' que c'est, mais il cherche il cherche sans arrêt.

Y'a quelqu' chose de pourri au royaume d' Isidore (fou-fouinant)

Parfois il n' sait plus très bien alors ça lui arrive de s'étonner Y' a quelqu' chose de pourri?
Puis il r' commence à chercher, à quatre pattes, en limace
Son moteur c'est son nez à Isidore
Sa narine c'est son guide, tout son corps la suit, il n' sait que fouiner, i' n' fait que fouiner
Y' a quelqu' chose de pourri! i' s' dit.
Alors il fouine il fouine.

Y'a quelqu' chose de pourri au royaume d'Isidore (fouinant et fou)
Son corps s' élastique selon qu'il suit son nez-moteur ou sa narine-guide;
au sol, au plafond, au mur, dehors ou le long des corridors.

Y'a quelqu' quelque chose de pourri au royaume d' Isidore (fouinant toujours)
Y' a quelqu' chose qui sent le cramé le moisi
et lui il fouine jour et nuit.


Y'a quelqu' chose de pourri au royaume d'Isidore (fouinant encore)
C'est un nez sur patte Isidore.
À force de reniflez, Isidore, il a l' nez qu'à gonflez.
C'est plus un nez i' s' dit, mais il continue d' fouinez.
I' s' sent léger comme la plume, Isidore.
y' a quelque chose de pourri! i' s' dit.
Puis il poursuit sa quête, avec en tête de trouvez d'où lui vient ce quelqu' chose, de moisi de pourri
Parce que quand même ça l' rend fou, il sait pas ce que c'est, mais il cherche il cherche sans arrêt.

Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore (...fou)
C est comment dire heu... l'odeur de la noix, (arrête de fouiner)
Non c'est pas du tout ça,

Y' a quelqu' chose de pourri au royaume d'Isidore (fou fou fou)
Y' a quelqu' chose qui n' tourne pas rond dans c' royaume (la voix 1 chuchote)
Y' a quelqu' chose de pourri au royaume d'Isidore (haletant-fou)
Y' a quelqu' chose de louche, de pas net, de pas clair, (la voix 1 chuchote)
Y'a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore (fou-haletant)
Y' a quelqu' chose qui échappe, (la voix 1 chuchote)
Y'a quelqu' chose de pourri au royaume d'Isidore (haletant)
CA PUE AU ROYAUME D'ISIDORE




Parfois Isidore il croit qu'il a trouvé l'endroit pullulant puant,
alors i' m' regarde en souriant, et i' m' dit d'un air content Y' a quelqu' chose qui pourri ici! , et moi comme j'aime tant le voir en limace, sucer avec son nez chaque parcelle de matière
j' lui dit D'CONTINUER DE FOUINER PARCE QUE CA PUE TOUJOURS ET ENCORE PLUS ET QUE C'EST PAS L'SEUL ENDROIT ET QUE Y'EN A DES TAS ET QU'IL DOIT LES TROUVER TOUS AVANT QUE CA NE S'EMPIRE EN VRAIMENT PIRE AVANT QUE CA N'EMPIRE ET N'ENROUE SON ROYAUME AVANT QUE CA N'EMPIRE SON ROYAUME QUE CA NE S'ENROYAUME.....bref



Il y a quelque chose de pourri au royaume d'Isidore (neutre)
Des fois j' me demande si c' est d' ma faute.
Des fois j' me demande si y' a vraiment quelque chose de pourri au royaume d'Isidore?
Mais ça n' dure jamais bien longtemps.
Des fois Isidore il vomi, parce que son nez il l' a mis trop près d'un truc qui pue, qui se putréfie, alors quand i' vomi j' lui dit T'ES DEGUEULASSE-T'ES CACA D'OIE-T'ES POURRI-TU PU-T'AS PAS HONTE-?
Alors i' m' dit dans un relent de larmes et d'acides liquide j'en ai plein le nez.

Et puis j' sais plus comment ça s' fini au royaume d'Isidore à part que dans c' royaume pourri y' a toujours quelque chose qui fleuri.
Ou, Dans ce royaume fleurit y' a toujours quelque chose qui pourrit.
Peu importe la fin le principal c'est qu'Isidore soit d'accord. T'es d'accord Isidore?

25.11.09

Carole Montias, COCOBICHE

COCOBICHE

ODE D'EX-CHEICK

BEC DE COCO BOXE
BICHE BECHE
EXHIBE CHICHI

ODE D'EX-CHEICK

ECHO CHOC COCO
DECIDE D'EXODE
CHOIX DE BICHE CHOIE
BEC ECHOIE ICI

ODE D'EX-CHEICK

COCO OBEI BEC BEE
BICHE HOCHE
IDEE DOCK
CHOIX IODEE

ODE D'EX-CHEICK


un coco et une biche qui décident de partir, fascinés par l'orient, l'horizon ou peut être par l'horizontalité...

24.11.09

Couleur des mots – couleurs en mots Cinq artistes et le langage - Marion Daniel

Comment Claude Faure, Raymond Hains, Jean Dupuy, Marcelline Delbecq et Mel Bochner traitent-ils de la question du langage ? Ils mettent sur le même plan deux systèmes de représentation : celui des mots et celui des couleurs ; défont tout ce qui a trait à une symbolique des couleurs ; vont vers une littéralité, une plasticité des mots ; créent des relations de sens qui se jouent à différents niveaux : jeux de ressemblance, jeux sur la matière des mots ; rendent les lettres illisibles ; scandent l’image par le texte ; mettent en question le texte comme langage muet et l’image comme incarnation...

Les œuvres de CLAUDE FAURE établissent toujours un rapport entre le sens, la forme et la matière des mots. C’est la question du signe qui l’intéresse : dans toutes ses œuvres il part d’un mot, d’un sigle publicitaire ou d’une carte géographique. Il dit : « Je crois qu’en faisant cela je prends une double revanche : la privation de dessin et de peinture et la privation de littérature ». Claude Faure dit aussi qu’il entretient un cousinage inversé avec Francis Ponge : lui part du mot puis le transforme en objet. Claude Faure a une jolie formule : il parle d’une « somme inachevée de procédés aboutissant à un système à tiroirs ».
Ses objets ont l’apparence d’objets usuels (l’étagère et ses livres) mais on ne peut strictement rien en faire (ils sont collés, on ne peut pas les lire). On aboutit à un ensemble visuel, à une sorte d’équation dont on ne connaîtrait pas le résultat, faite de tous ces différents objets disposés comme autant de signes colorés.


-Claude Faure, "La Couleur des Mots", 2008, sérigraphie sur Velin BFK
Rives, 70 x 70 cm, 40 ex.
© Claude Faure
Courtesy galerie Bernard Jordan

RAYMOND HAINS parlait sans s’arrêter, dans un vrai tourbillon. Avec lui, le langage est passé par toutes sortes de phases : détruit, déformé, déchiré, distendu. A la fin de sa vie, il a décidé d’être un lecteur, un artiste qui annote des livres et qui parle, en ne réalisant que peu de pièces. Le paradoxe de son travail : de cet artiste dont le discours était l’œuvre, il ne reste aujourd’hui que des objets, des œuvres plastiques.
« Jeune, je me voyais beaucoup plus écrivain qu’artiste », dit Raymond Hains. Sans doute davantage qu’aux artistes, Hains accorde aux poètes un rôle de toute première importance. Ce qui l’intéresse chez Francis Ponge, c’est l’idée de chantier, de fabrique, d’atelier. Raymond Hains considère le langage dans sa qualité physique, comme système d’emboîtements de rythmes et de sons. Bien qu’il n’écrive jamais rien, ses discours sont fondés sur la reprise, l’ellipse et la coupure, autant de figures qui rapprochent sa pratique d’une stratégie de poète.




-Raymond Hains, "Ma langue au chat", 2004. Photographie Patrick Alton.
© Raymond Hains.


JEAN DUPUY réalise des anagrammes qui font se croiser plusieurs alphabets : des couleurs dont il faut dire le nom, un alphabet morse qu’il faut déchiffrer.
A propos de Aero air 3, il écrit : « Deux textes se superposent. L’un contient une liste de mots qui représentent des couleurs. L’autre est la description d’un instrument de musique, suivie de 170 lettres. Chaque texte est écrit avec les mêmes lettres : 1 141 et par conséquent avec les mêmes couleurs. Ils forment une équation de lettres, autrement dit une anagramme. Au bas de la description est mentionné un « code codé » : il s’applique aux 170 notes. Il est en morse : le morse est un alphabet fait de traits et de points (...). »
Pour cet « anagrammiste atteint de palilalie » (la palilalie est un trouble du langage qui consiste à répéter les syllabes), les œuvres, qui partent souvent d’un jeu de mots, prennent la forme de poèmes visuels. Elles mêlent toujours plusieurs niveaux de sens, de formes.




-Jean Dupuy, "Sans titre", 1995. ©  Jean Dupuy

MARCELLINE DELBECQ dématérialise les œuvres. Elle se passe du support pour rester du côté de la voix.
D’un côté, elle écrit des récits, qu’elle fait dire par des comédiens. De l’autre, elle réalise des œuvres « plastiques », qui jouent elles aussi avec le langage.
Dans les œuvres plastiques, la lecture se fait de plus en plus difficile, jusqu’à la disparition.
Elle utilise la littérature, le cinéma, l’image, le texte comme autant de possibles.
Dans « In a voice » : Marcelline Delbecq travaille à partir d’une iconographie cinématographique, dans des fictions qu’elle choisit d’incarner uniquement par la voix.
Elle puise dans une réalité définie, comme une source iconographique et ses textes sont comme des ellipses. Ils s’éloignent de l’image, disent ce qu’elle ne contient pas.



-Marcelline Delbecq, « Silence Plateau », 2005. Néon teinté, peinture noire, 7x100 cm.
© Marcelline Delbecq, courtesy Galerie Frank Elbaz, Paris.

MEL BOCHNER s’intéresse aux limites de notre perception : nos difficultés à concilier la conception d’une chose et sa perception (voir, sentir). Il établit une corrélation entre les systèmes verbaux et les systèmes visuels. Les principes de la grammaire ou des mathématiques lui permettent des représenter des processus mentaux (Thought Made Visible, 1966-1973). Pour lui il n’y a pas de séparation entre le linguistique et le plastique ; nous nous heurtons tous à la difficulté de faire coïncider conception et perception, théorie et expérience. « J’ai tenté, dit l’artiste, d’établir une corrélation entre des systèmes verbaux et visuels» et encore – pour reprendre le titre d’une autre de ses œuvres – « Language is not transparent ». Venant de l’art conceptuel, Mel Bochner donne à son travail une dimension picturale, tout en maintenant son intérêt pour les mots.




-Mel Bochner, "Blah, Blah, Blah", huile sur toile, 2008.© Mel Bochner

Marion Daniel

23.11.09

Anne-Laure Garicoix

Les oreilles à demi-bouchées



De la poudre dans les yeux
Transparence au petit creux
Nictation...à petit feux.
Baisser la paupière
Étincelles d'obscurités
Puis plumes...de perroquet.
Les yeux fermés
Laissons faire les hémisphères.



La Dame Blanche aime vivre dans le bruit mais préfère parler en silence.



Le scaphandre sur la tête
Impression de tête à tête
Bleu nuit...dans la tête.
Errance sous-marine
Un filet d'air dans mes narines.
Son masqué par celui d'à côté
A trop vouloir rêver...on finit par tomber.
Sous les tropiques il fait bien plus froid
Que du côté de chez toi.



La Dame Blanche aime vivre dans le bruit mais préfère parler en silence.



Rose poivré sous la langue
Il se fait rare le goût de mangue
Vague déferlante...de petits manques.
J'épelle ton nom la bouche pleine
On l'entend peut-être... à peine.
Mais...plus loin que loin, les uns à côté des autres,
Vous et nous ça ira quand même.



La Dame Blanche aime vivre dans le bruit mais préfère parler en silence.

19.11.09

Carole Montias, ViOIA



















Viola

Viola va
via laval
a moto
l'ami Max l'a vu
l'a voulu

aout allait
matou matait

maillot moulait viola
motiva l'ami mou
max vola viola
au lit alla

aout allait
matou matait

viola lavait l'ami
l'ami l'avait mi-haut
viola vit, ota tout
l'alluma

aout allait
matou matait

viola tailla
motiva l'ami
viola mouilla
max axa
viola malaxa max
mat haut, l'ami mit tout
aima
l'ami mollit

aout allait
matou matait


Il s'agit d'un texte élaboré à partir de lettres symetrique verticalement.

liste non exhaustive de mots à symétrie horizontale :
BEC
BICHE
BIDE
BOXE
CECI
CHEIKH
CHIC
CHICHI
CHIE
CHOIX
CI
CODE
CODEC
DE
DECODE
DEDIE
DIX
DOCK
ECHO
ICI
IDEE
IODE
KIKI
OBEI
ODE
OIE

et une liste non exhaustive de mot à symetrie verticale :

ALLUMA
ALLO
AMI
AMOLLI
AUTO
AU
AUX
HALO
HAUT
HOUX
HUIT
HUMA
LIMA
LIT
LOUVOYAIT
LUXA
MAI
MALT
MAMA
MAT
MATH
MATOU
MAUX
MAXIMAL
MI
MIMA
MITA
MIXA
MOI
MOLLIT
MOTIVA
MOTO
MOT
MOU
MOULT
MOUILLAIT
MULOT
MUA
MUTA
MUTAIT
MUTILA
OH
OHM
OMIT
OUI
TAM TAM
TAXA
TOUT
TOUX
TU
UT
VA
VALU
VAUT
VIOL
VOL
VOMI
VOMIT
VOTAIT
VOULU
VOYOU
VU
WALT
YAHOU

16.11.09

Christine Lapostolle - DE COLORIBUS NOSTRIS

(*) Christine Lapostolle - De coloribus nostris
(Extrait de "Un peu à l'ouest" Editions Galerie Marcel Duchamp

- Les couleurs, elles sont toutes inventées ou il en reste encore ?
- Elles sont toutes là, il faut les trouver. Elles ont toujours été là.
- Même les couleurs fluo ? Ca existait avant, tu crois vraiment ?
- Le fluo est un effet de lumière, les couleurs ont toujours été là, on ne les vois pas toutes, ça dépend des préoccupations qu’on a. Ca dépend des instruments qu’on a pour les regarder.
- Les yeux ça a changé ? Tu ne crois pas qu’avant le monde était plus marron ?
- Pour les gens qui regardent la terre, il y a une infinité de marrons. Avant les gens regardaient plus la terre.
- Alors il y avait plus de marrons.
- Ils sont toujours là.
- Mais la terre s’est mélangée.
- Quand même.
- Tu peux les voir, toi ?
- Si j’y pense longtemps, si je fais attention.
- Pourquoi tu ne mets presque jamais de marron dans tes peintures, alors ?
- Mes peintures sont pleines de marron.
- Ah bon !
- Regarde mieux.
- C’est une belle couleur en fait, le marron.

- Qu’est-ce que tu m’as dit, hier, Papa, sur les couleurs fluo ?
- Rien. J’ai rien à dire sur le fluo.
- Si, tu m’as dit quelque chose. C’est à cause de la lumière qu’on met dedans, c’est ça ?
- Ca s’appelle des ondes, la couleur est une onde.
- Moi ce que je voudrais savoir c’est si on peut toujours faire des nouvelles couleurs avec de la peinture.

- C’est quoi ta couleur préférée, Papa ?
- Je n’ai pas de couleur préférée, j’aime une couleur quand je la vois, des associations de couleurs…
- Ta couleur préférée ici, dans la pièce ?
- Dans la pièce, j’aime le blanc de cette orchidée, j’aime le vert de l’abat-jour en plastique de la lampe. Et toi ?
- Moi, c’est le jaune, je te l’ai déjà dit.

- C’est à cause des jours de la semaine qu’il y a sept couleurs dans l’arc-en-ciel ?
- Il y en a bien plus de sept. Si tu regardes attentivement, tu verras qu’il y a toutes les couleurs. C’est monsieur Newton qui en a compté sept…
- Monsieur Nioutone ?

- C’est quoi ta couleur préférée, Papa ?
- je t’ai déjà dit : je n’ai pas une couleur préférée. Ca dépend des situations, j’aime une couleur ou un rapport de couleurs dans une pièce, dans un paysage…
- Dans cette pièce ?
- Mais il fait noir !
- Quel noir tu préfères ?
- Ce sont des gris en fait. Toi, ta couleur préférée, c’est le jaune, c’est ça ?
- Non c’est le vert.
- L’autre jour tu m’as dit le jaune.
- Oui, mais ça change, lundi c’est jaune, vendredi c’est vert. J’ai une couleur préférée par jour.

***

Pierre Mabille LE CONTRAIRE DU GRIS

(*)Pierre mabille
extrait de "Le contraire du gris" Little Single éditions

LE CONTRAIRE DU GRIS

Étant donné les couleurs devant moi
Étant donné les couleurs derrière moi
Étant donné les couleurs au-dessus
Étant donné les couleurs en dessous
Étant donné toutes les couleurs autour


Étant donné la couleur blanche
le nombre de couleurs blanches
toutes les couleurs blanchies
les couleurs grises
les couleurs grisées les couleurs embrumées et toutes les couleurs endormies sous la couleur blanche

Étant donné la couleur orangée
la couleur jaune
la couleur rose
le rose le vieux rose le rose bonbon le rose layette le rose flashy et le rose vomi
les couleurs qui tremblent les transparences
les éclairages changeants sans compter ces couleurs sans nom celles qui apparaissent quand on ferme les yeux

Étant donné la couleur rouge
la couleur pourpre qui soudain transforme l'air immobile en masse solide

Étant donné le glissement progressif opéré par la suite des couleurs du jaune au blanc du blanc au bleu
du bleu au vert du vert au jaune du jaune à l'orangé
de l'orangé au rouge du rouge au rouge vermillon
du rouge vermillon au grenat du grenat au violet
du violet au gris vert du vert sombre au vert bleu
du vert bleu pâle au jaune vert moyen clair

Étant donné que le passage de l'orangé au jaune est comme un flux
comme l'eau sur la main
comme le vent passe entre les doigts
comme aujourd’hui par exemple quand le jour est passé du rouge au blanc jaune et au blanc bleuté puis au bleu pur avec un détour vers l’orangé avant de rejoindre le bleu nuit puis le gris le brun etc. c’est un exemple

Étant donné que le même en jaune serait plus différent que le même en vert et que le même en bleu semblerait venir d'un monde opposé

Étant donné que le même en rouge serait comme un chaos silencieux
que le même en jaune est encore plus différent que le même en vert
que le même est radicalement autre sans pour autant produire une quelconque transformation

Étant donné le suspens de la poussière rougeoyante au-dessus des tons de terres
Étant donné que le violet en stagnation dans le rouge brique est comme un sanglot

Étant donné la couleur jaune
le jaune solaire le jaune sali le jaune vieilli et tous ces ex-jaunes qui forment avec les ex-blancs les ex-blancs cassés et les ex-beiges une étendue fatiguée de lumières perdues
Étant donné les rapports secrets du jaune avec le rose qui se partagent la haine de la couleur blanche

Étant donné que pendant ce temps trois couleurs mauves pourraient gémir dans le lointain sans que rien d'autre ne change

Étant donné la couleur bleutée les couleurs d'une flore fanée et pénible

Étant donné le bleu des veines le bleu turc le bleu turquoise le bleu cocard
Étant donné que le bleu des veines est le rouge du sang dans son enveloppe de peau
la couleur chair des blancs la couleur chair des noirs couleurs ni blanches ni noires pas plus d'ailleurs qu'elles ne le sont pour le raisin le vin la nuit les cheveux la bière la magie les romans la musique etc.

Étant donné la couleur verte
un vert acide

Étant donné la couleur noire celle qui loge dans le ventre de la couleur verte alors si noire sous le soleil la couleur verte étouffante
Étant donné l'équilibre de la mollesse cachée dans l'étouffement
Étant donné l'énorme éboulement ralenti de l'obscur dans le noir du vert

Étant donné
la pluie d'étoiles brunes rouges et fauves autour de nous dans la pénombre
la couleur venin qu'on ne voit pas mais qu'on peut sentir le vert citron vert imprévu
la lame de fond de l'acidité au centre de la douceur
la percée régulière de la lueur au cœur de l'uni

Étant donné la lente apparition du lointain dans la proximité que la couleur génère quelquefois

Étant donné la contamination rasante du jaune dans le rosissement du gris et le pouvoir du gris d'éteindre les couleurs jaunes

Étant donné l'effondrement progressif de la pâleur
la profondeur du pourpre invisible mais pourtant présente dans le bleu

Étant donné les couleurs mouillées les couleurs mouillantes et les couleurs sèches
Étant donné tout ce qui est obscur
Étant donné que les couleurs désorganisent la dramaturgie de nos perceptions
Étant donné la clameur sèche de la clarté

Étant donné l'azur
Étant donné le champ élargi des verts
l'étendue infinie des gris
l'espace agrandi par la couleur bleue
le grand écart dans l'espace de l'ocre
dans l'espace du gris et dans l'espace du bleu pâle

Étant donné l'azur à l'état gazeux
les amples mouvements ondulatoires de couleurs immobiles
Étant donné le silence produit par l’azur
Étant donné le bleu des regards bleus
Étant donné la couleur et sa diffusion à partir d'une ondulation
les bonnes et les mauvaises vibrations
par exemple le désespoir d'une lumière impossible quand le rouge fait écran
ou le bleu considéré comme paradis perdu définitivement perdu

Étant donné la couleur son irruption de silence au centre du vacarme
l'explosion originelle c’est-à-dire une espèce de big-bang c’est-à-dire un évènement violent qu’on devine antérieur à sa manifestation visible
sa lourde et lente infusion à toutes les parties concernées c’est-à-dire une sorte d’inondation sans liquide j’aimerais me faire comprendre

Étant donné l'évidence de sa présence malgré l'absence d'un seul effet perceptible de l'explosion antérieure à sa manifestation

Étant donné un vert brûlant un bleu glacial
les goûts et les couleurs qui ne se discutent pas
les discussions qui s’en suivent

la couleur vite disparue la couleur du vent
orange acide comme une pluie acide
qui altère le rose
un rose qui semble mauve
la lueur noire
la tombée du jour dans le jaune d'or
l'allumage du blanc parmi les autres couleurs
l'auto-allumage instantané du blanc
la chute contenue dans le violet
l’apesanteur en réserve dans les jaunes pâles et les bleus blanchis

Étant donné les couleurs de l'arc-en-ciel

la régulière altération de l'indigo par la poudre d'ombre
évaporation vitesse lente du jaune dans le vert
la lenteur vive de ces glissements

Étant donné le contraire du gris


Étant donné toutes les couleurs de la matière du bois
les couleurs vertes et les autres couleurs de tous les végétaux du monde entier

Etant donné la clarté volatile
le poids plume de l'ombre

Étant donné une tache de rousseur
l'ombre envahissante et fluide du violet
la couleur qui recouvre l'autre couleur qui recouvre l'autre couleur qui recouvre l'autre couleur qui recouvre l'autre couleur qui recouvre l'autre couleur par une autre couleur
le recouvrement continu de la neutralité autrement dit la neutralité lentement immergée noyée perdue sous la couleur
Étant donné
les couleurs leurs vertus de faire venir la chaleur la fièvre l’air frais l’absence
le retour de la pesanteur le mouvement vibratoire les larmes le tremblement l'élan le vertige

Étant donné les couleurs leurs légendes leurs orients
le faisceau mouvant des directions qu’elles mobilisent
les climats qu'elles emprisonnent
leurs indications et contre-indications
Étant donné les couleurs leurs mouvances
leurs légendes
leurs histoires
leurs migrations
Étant donné les couleurs transportées d’un monde à l’autre et l’interaction des couleurs entre elles
les autres mondes possibles qu’elles produisent
Étant donné le nombre de couleurs contenues dans une seule couleur
le vol suspendu de l'or au-dessus de l'outremer

Etant donné le mot outremer mais aussi le mot violine le mot mordoré le mot rose le mot polychrome le mot multicolore le mot trichrome le mot tricolore le mot fluorescent le mot incarnat le mot chromatique le mot chromie le système rvb les mots bleus les mots qu'on dit avec les yeux la vie en rose le mot coloré le mot décoloration le mot coloris les mots couleurs primaires couleurs primitives couleurs primeurs couleurs premières couleurs secondaires couleurs tertiaires couleur ternies couleurs terre de Sienne brûlée coulée verte les mots additifs soustractifs couleurs mélangées couleurs miscibles extérieures intérieures les longueurs d'ondes et les degrés de chaleur le mot teinte température de couleur le mot ton le mot luminescent le mot translucide les couleurs au choix le mot indigo le mot safran le technicolor les couleurs colorisées les mots blonds ultramarine céladon caeruleum cadmium rubis

Étant donné le suspens de la poussière rousse au-dessus des tons de terres la couleur or des ciels pollués

l'argent qui naît et se développe dans la poussière

Étant donné le
bleu du ciel le
jaune du ciel le
blanc du ciel l’
ocre du ciel le
gris du ciel

Étant donné la couleur verte du jaune la couleur blanche de la couleur bleue le gris du vert


Étant donné la chimie l’optique
les rayonnements magnétiques mystères rétiniens
Étant donné les couleurs données à tout le monde
Étant donné qu'elles n'appartiennent à personne
Étant donné la couleur orangée son impact silencieux sa puissance secrète

…Étant donné
le très grand choix dont nous disposons
c’est-à-dire dans l’ordre:
argent
azur
blanche (nuit)
bleu
bleu cocard
bleu des veines
bleu pâle
bleus (reflets)
bleu turc
bleu turquoise
blonde (secrétaire)
cadmium caeruleum
céladon coloris
contraire du gris
couleur blanche
couleur bleutée

mais aussi :

couleur chair
couleur du vent
couleur jaune
couleur noire
couleur or
couleur orangée
couleur pourpre
couleur rose
couleur rouge
couleur venin
couleur verte
couleur verte étouffante
couleurs autoproduites
couleurs blanches
couleurs blanchies
couleurs colorisées
couleurs embrumées
couleurs endormies
couleurs grises
couleurs grisées
couleurs mauves
couleurs mélangées
couleurs miscibles
couleurs mouillées
couleurs mouillantes
couleurs premières
couleurs primaires
couleurs primeurs
couleurs primitives
couleurs sans nom
couleurs sèches
couleurs secondaires
couleurs tertiaires
cuivrée (lueur)
citron vert
décoloration
dorée (poussière)
ex-blancs
ex-blancs cassés
ex-beiges
ex-jaunes
fauve (l'obscurité)
fauves (étoiles)
grenat
gris
gris-vert
incarnat
indigo
jaune d'or
jaune vert
jaune sali
jaune solaire
jaune vieilli
mordoré
noir
noire (lueur)
noires (étoiles)

sans oublier:

ocre
ombre (la poudre d')
orange (alerte)
orange acide
orangé
outremer
rose bonbon
rose flashy
rose layette
rose vomi
rouge
rouge brique
rouge vermillon
rougeoyante (poussière)
rousse (poussière)
rousses
rousseur
rubis
safran

et bien sûr:

technicolor
tons de terres
vert
vert acide
vert-bleu
vert bleu pâle
vert brûlant
verte (coulée)
vert sombre
vieux rose
violet
violine
en bref
étant donné
cet arrivage
ce très grand choix pourquoi
s'arrêter

Geneviève Beaudou - PLONGEONS

(*)Geneviève Beaudou
(extrait de "Un peu à l'ouest" éditions Galerie Marcel Duchamp)

Plongeons.

Mes 6 chansons opaline : Ta Katie t’a quitté, Françoise, Sur mon cheval au grand galop, Mes années, Le train, Azuro et en plus, le Chapeau de Zozo.
Mes 6 lectures pourpres : Salambo, La maîtresse des épices, Kafka sur le rivage, Loin de Chandigarh, Retour à Sweetboro , Alamut et en plus, Berlin sous la Baltique.
Mes 6 villes muscade : Lisbonne, Maputo et Saint-Petersbourg, Kairouan, Bergen, Madras et Albi aussi.
Mes 6 Martins-Pêcheurs les plus Bloomsbury : celui de la côte de Malabar, le crabier du Sénégal, le huppé du cap de Bonne-Espérance, celui de la Chine et le petit todier de Juida, un autre de Java plus deux jacamars : celui du Brésil et le longue queue du Surinam.
6 choses indigo apparues dans mes rêves les plus récents : un parapluie et un saladier, 4 mésanges grosses comme des pigeons, plus un comptoir de bar en forme de demi-lune.
Mes 6 auteurs meringue: Peter Høeg, Jack London, Arnaldur Indridadson, Hergé et Louis Hémon, Boris Pasternak, et je rajoute Jeffrey Lent.

plus

6 cartes nautiques caramel du plus clair au plus foncé : Portulan de Dijon, Océan Pacifique de Joâo Teixeira, Planisphère de Diego Ribeiro, Atlas de la Duchesse de Berry, Carte de l’Atlantique de Domingo Sanchez, Universa AC Navigabilis Totius Terrarum Orbis Descriptio par Andreas Homen, plus la Carte de l’Atlantique de Gaspar Viegas et encore la totalité de ce qui reste aujourd’hui du fier Atlas Miller.

Pour la pioche ( une seule possibilité sur deux) :

famille des chansons opaline: Bang-bang ou Santa Lucia
famille des lectures pourpres : Les amants du Spoutnik ou Mauvais Karma
famille des villes muscade : Palerme ou Amsterdam
famille des martins-pêcheurs les plus Bloomsbury : celui de Pondichéry ou le vert de Cayenne.
famille des choses indigo apparues dans mes rêves les plus récents : une camionnette Citroën type Berlingot ou bien une serviette de table.
famille des auteurs meringue : Arto Paasilinna ou Henning Mankell.

En vrac pour diverses combinaisons au choix :

famille des pierres précieuses de l’outremer au glacier : 4 saphirs - celui du Cachemire et celui de Ceylan, plus ceux de Birmanie et du Montana - 2 turquoises – celles de Perse et de Chine je peux aussi rajouter la perle de Panama.

famille des fleurs des champs du bourgogne au bordeaux clairet : amarante, héliotrope, digitale, cyclamen, giroflée, mouron et la plupart des ancolies.
famille des loris tricolor : celui des Indes orientales, ceux des Philippines et des Molluques, le lori d’Amboine et celui de Guéby, plus celui de la Nouvelle-Guinée.
famille des fleuves et des rivières de l’amande au porridge : le Tage, le Zambèze, l’Arize et la Garonne, la Volga, l’Orange et l’Indus en plus.
famille des drapeaux et des fanions de la fleur de lin : celui de la Somalie, de la Micronésie et de l’Estonie, celui de Djibouti pour partie, plus ceux que les tour operator utilisent pour faire aligner leurs clients correctement.
famille des pays africains figurés type couleur chair dans les cartes du Grand Atlas du Monde : le Mali et le Malawi, le Kenya, le Botswana et le Mozambique, le Tchad, plus la République du Congo.
famille des champignons bons et bénins de soleil à gingembre : Amanite des Césars, Tricholome ardent, la Souchette, Mousseron, la Golmotte, le Bolet bai plus le Lycoperdon à pierreries et la Russule émétique.
Pour ne rien risquer, on peut compléter avec des Amanites à étui et quelques Lactaires délicieux.
Surtout ne toucher ni ne regarder l’Amanite panthère qui ressemble à la Golmotte mais qui n’en est pas une.

Donc, prudence avec les gammes : c’est une histoire d’œil, en fait.

Éric Suchère - SONT : TOUTES LES CHOSES, ÉNUMÈRE.

(*)
Eric Suchère
(extrait de "Un peu à l'ouest" éditions Galerie Marcel Duchamp)

Sont : toutes les choses, énumère.


Les choses noires
Noir.
Encore noir.
Dans le noir.
Il y a la nuit noire.
Noir n’est que noir un.
Poursuit à noir repasse.
La verrière dans le noir.
Au noir encore dure : de rien noir.
Ferme noir-visage-noir répète vite.
Passe à plonge dans le noir de la rue.
À un réverbère éteint sur le ciel noir qui s’allume.
Large ciel noir d’orage presque au-dessus dégage.
Écho d’une carnation où marques opposent chairs à noirs.
Ligne verticale de lumière barre sur paysage découpe noire.
Étourneaux par centaines en vol est éparpillement noir dense.
Saillie d’un élément dans l’aveuglement de la surface contre la bande large noire du volet.
Les choses blanches
Ciel blanc.
Reflets blancs.
Un temps blanchi.
Se chauffe à blanc.
Une inactivité blanche.
L’étendue d’un liquide blanc.
Interrompt en fin contre blanc.
Suit mur brille blanc moelleux.
Un liquide blanc qui tremblote.
À se propulser hors où est vrai blanc.
La hauteur dans le cube blanc apaise.
Sous le soleil en blanc vers l’homme.
La ligne blanche d’une route qui défile.
Une allée de troncs d’arbres peints en blanc.
Une silhouette indistincte dans la lumière blanche.
Le croisement de deux tankers sur la mer étale où une bande blanche.
Il y a les arbres du bord recouverts d’une couche neigeuse : matin blanc.
Elle était comme cinématographiée sur l’ensoleillement blanc de l’avenue.
Aux bandes blanches passage piétons qui mène à l’immeuble en construction.
Halo blanc d’un poudroiement pivote périphérique net à éblouissement blanc.
L’équivalence des niveaux dans le calme et l’horizontal des surfaces blanches et raies.
Vagues éparses de glace comme sel puis la glace sur le plan uniforme blanc de craquelures dessine irrégularités diverses à taille paysagère.
Les choses grises
Gris.
Temps gris.
Dans le grisé.
Peut-être gris.
Au temps gris.
Les passages gris.
Est : un temps gris.
Chape grise dessus.
Temps gris hivernal.
Dans le temps gris et la hâte.
Dans le gris : le saisissement.
Réminiscences d’un temps gris.
Transformation en gris sans pluie.
Le sombre et le gris et quelques éclaircies.
Peut-être gris : incapacité à voir le ciel d’en bas.
Les bouts d’images et informations dans le temps gris long.
Mer et rochers et le gris cendre des tons cendres et gris exact est l’eau sombre.
Gris foncé à clair à textures au tacheté en balayage abstrait de lent va-et-vient caresse.
Une surface floue grise et duveteuse à son moucheté ou un sol dans ses modifications tonales ou hésite et tressaute de très près.
Les choses bleues
Bleu général.
Bleus pourris.
Ciel bleu avec nuages.
Le bleu ébahit : juste un éclat.
Accentue la fente claire bleue.
Lever de soleil sur un ciel bleu foncé.
Bleu avec nuages périphériques disparaissant.
Il y a déviation d’une fumée dans un bleu clair.
Réflecteur doux en tonalité bleue légère des autres lumières.
Un bleu sombre très loin dégagé de la masse dans la distance.
Reprend et la lumière progressive claire bleue : une aspiration.
S’enroulent sur bleu dans une compréhension aigue du phénomène sur vision entre les immeubles.
En regardant la lumière de neige sur ciel très foncé bleu profond sur toits enneigés et fumées se développent.
Un fond de verdure d’une couleur égale ou flot d’air bleuissant de matin d’été borne un jardin de ville où une femme en bleu étend son linge dans l’air transparent tiède.
Les choses jaunes
Dans le bruit réduit et le halo des phares jaunes.
Un caractère abstrait ou bien resteront des boudins de protection jaunes enrobent en spirales des arbres.
Les choses rouges
Scintillent rouge.
Une façade de hangar d’un rouge soutenu.
Les choses vertes
Donne un saisissement dans lumière verte.
Les choses orange
À l’orange, sombre à clair sature est une ombre passe.
Les choses roses
Roses corrompus.
Les rapports ultra roses.
Fondent les chairs en taches roses mobiles sujettes aux phénomènes perpétuels mouvants rendus visibles par cette fusion : lutte continue entre surface et l’espace ou couleur et l’air.
Les choses noires et blanches
Finit à gris noir.
Le soleil à travers des nuages gris blanc.
Ne cesse de substituer dans le passage du noir au blanc.
Les découpes des objets sur les lignes carrelées noires blanches.
Décadre le paysage en fragments puis des pas sur carrelage noir blanc.
Le sol de masses noires oppose à plaques blanches : du gel cartographie.
De bouffées espacées puis englouties vite bref : absorption instantanée grise sur fond noir.
Les choses polychromes
Bleus et gris.
Roses et beiges.
Du rose rouge confusion.
Des rapports roses et beiges.
Jaune orange à quelques points : partage.
Voiles roses et blancs intensifs opposent.
Le terrain vague à herbes folles hautes vert jaune.
Les différents verts éteints par le gris atmosphérique.
Les fonds en ébauche rapide : corruption bleus et roses.
Passe à blanc raclé : les crevasses basculent sur ciel bleu.
Lumière déréalise vraiment sur lèvres jaunes à très blanches.
Striures de bandes blanches sur le bleu avec fond orangé sur le côté droit.
L’impression d’une transposition ou deux figures roses et blanches passent.
Traits distingués et oubliés aussitôt après, d’où émerge un ovale blanc, noir, vert.
Haut d’africaine en boubou vert pomme dépasse, la bretelle d’autoroute gris vert.
Un bleu gris qui colore d’orange général les façades découpées entre par la teinte.
La carnation dans légère circulation blanche qu’éclatent les roses dégradés et le rose rose.
En ouvert de lisérés bleus à jaune à rouge de faible quantité rehausse la tonalité générale grise.
Les points ocre suspendus dans le blanc sur plat de cœur gris contre le corps en jus bleu délave.
L’ensemble topographique flou dans la lumière bleu vert de chaleur ou son équivalent dans la brume matinale.
Un couloir rouge ou tons rouges ou orangés et des portes sur le côté et le couloir étroit et long et rien ne bouge.
Bruns et gris sur nuages et lumières en contraste plus accru à la découpe de plans clairs sur les bâtiments, aux éclairages.
Est : un effroi ou une déréliction ou le halo lavasse jaune ocre clair dilué dans le presque blanc autour cerne l’ovale bleu rempli.
Les choses
Virage sépia.
Il y a masse compacte d’une teinte rouille de bâtiments dans la lumière filtre.
Les mouvements entropiques définissent permanence les masses sombres et claires sur la couleur moutarde.

Cécile Mainardi BLONDEUR

(*) Cécile Mainardi
(extrait de "Un peu à l'ouest" éditions Galerie Marcel Duchamp)


BLONDEUR
(inédit d’une prochaine seconde couche)


Blondeur de qui a le tee shirt troué
à quelques centimètres des cheveux
à l’endroit du dos qu’on a le plus de mal à se laver tout seul/
à atteindre avec le gant de toilette par l’un ou l’autre bras
-qu’on se l’enroule autour du corps ou le remonte par-dessous l’omoplate
à l’endroit de soi qu’on a le plus de mal à voir dans une glace
(l’angle mort du corps)
on trace au feutre la ligne/le contour de la zone hors d’atteinte
du côté droit puis du côté gauche
-j’écris avec un gant de toilette-
les ligne, on les reproduit sur un dos d’une toile d’Ingres
on peint en taupe mat l’intersection
on peut enfin voir l’orage que ça décrète

Blondeur de qui a l’étiquette qui sort du col
de qui met son peignoir à l’envers
et laisse tout ouvert derrière comme pour une opération

Blondeur de qui a un poisson d’avril accroché dans le dos
avec un bout de scotch qui ne tient pas et va se détacher
à la première vibration de syllabe prononcée

Blondeur de qui se prend une boule de neige
en plein thorax et tousse une syllabe de son prénom
sans pour autant vouloir appeler quoi que ce soit de lui

Blondeur de qui a déjà vu mes seins
ou en a eu la vision en rêve ou réelle
à travers la vitre arrière en fonction dégivrage

De qui a pris un coup de soleil sur le bras qui est en appui
sur le rebord de la fenêtre de la voiture en seulement
cinquante kilomètres

De qui gâche du mortier de ciment
Où il vient juste d’éjaculer
inconsidérément

De qui croque à même la botte de radis
fraîchement rincée/passée sous l’eau

Blondeur de qui je touche une partie du corps
à peine orthographiée

(…)

Pierre Giquel LE SOUVENIR DE MONDRIAN

(*) Pierre Giquel
(extrait de "Un peu à l'ouest"
éditions Galerie Marcel duchamp)

LE SOUVENIR DE MONDRIAN

Pacotille blue
Sang bleu résille
Pourpres les filles
Images floues

Blue girl red boy
Je transe j’averse
J’incline j’inverse
Avec sex-toy

Dans les couleurs
Du souvenir
Mondrian pleure
On craint le pire




Si l’art est inutile
La rétine est utile
Le frôleur de tétines
A tâté ma peau fine




Pagaille Pigalle
Du rose agile
Agite un cil
Ouvrant le bal

Lançant la balle
D’un jaune cadmium
Tu joues à l’homme
Un ciel t’emballe


C’est au Glaïeul
Pataud que tu
Te tues à tu
Toyer l’aïeul



Si l’art est inutile
La rétine est utile
Le souffleur de tétines
A frôlé ta bonne mine




Un rouge a vio
Lenté un vert
Le blanc se perd
Autour d’un Rio


Grande qui triche
Avec des gris
Mais toi tu cries
Tu perds ta fiche

Le feu t’affiche
Un blanc cassé
T’expose assez
Les gris s’en fichent





Si l’art est inutile
La rétine est utile
Duchamp touche aux tétines
De sa torche câline



Rose venin
Bible du soir
Surfaces noires
Chaque matin


Confie l’espoir
D’un jeu sans fin
Un rire enfin
Ouvre la foire

Le souvenir
De Mondrian
Quitte les rangs
On craint le pire




Si l’art est inutile
La rétine est utile
La tache des tétines
Attire les malines